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Interview de Marie-Martine

(issue du mensuel Animeland n° 73 - juillet-août  2001)

 

Marie-Martine, bonjour ! Racontez-nous d’abord comment vous avez débuté .

Je n’ai pas choisi cette voie, je suis simplement tombée dedans par ma famille, dès l’âge de cinq ans ! C’est l’âge où j’ai tourné mon premier film, Le fruit défendu, de Henri VERNEUIL avec FERNANDEL. J’ai aussi commencé le doublage à cet âge-là pour la bonne et simple raison qu’il y avait des scènes à redoubler parce que le son direct était inexploitable. Catastrophe dans l’équipe, paraît-il (parce que je ne m’en souviens pas), car ils pensaient que jamais je n’arriverais à me redoubler. Pourtant, miracle : j’ai réussi à refaire ce qu’ils voulaient ! Comme à l’époque, il y avait un volume de travail moins important qu’aujourd’hui, cela s’est su très vite et on m’a appelée régulièrement pour faire des voix sur des films ou des séries. J’ai fait notamment plusieurs Disney, dans des premières versions qui ont, depuis, été redoublées. Puis, je suis rentrée à six ans à l’école du spectacle.

Quand on commence aussi jeune, on ne sait peut-être pas encore si on fera ce métier toute sa vie. Arrivée à l’adolescence, n’avez-vous pas eu envie de faire autre chose ?

J’ai travaillé régulièrement durant toute ma jeunesse (pas tous les jours, je vous rassure, on m’a bien protégée), et c’est vrai qu’il y a eu une période où j’ai voulu changer. Mais c’est arrivé beaucoup plus tard : parallèlement à la comédie, j’ai voulu continuer des études supérieures, et ensuite je suis partie, je me suis mariée, et j’ai tout arrêté pendant six ans. J’ai fait un fils (qui est aussi dans le métier) et les circonstances de la vie ont fait que je me suis remise à travailler en 1979. Ce qui m’étonne encore aujourd’hui, c’est qu’on m’ait reprise tout de suite, dans la semaine où j’ai cherché du travail !

Vous êtes revenue pour faire essentiellement du doublage ?

Oui, je me suis vite retrouvée avec une certaine masse de travail, ce qui m’a un peu bloquée pour démarcher d’autres choses. Et puis à l’époque, j’avais un enfant en bas âge et ce n’est pas toujours facile de concilier cela avec des tournages ou des tournées. De toute manière, j’adore le doublage parce qu’on n’est pas tenu par le physique ; cela permet d’aborder des rôles que l’on n’aurait pas autrement car c’est l’intérieur du personnage qui compte.

J’ai eu tout de même des opportunités sur de beaux projets, mais qui n’ont jamais abouti. Alors, peut-être que je me serais plus remuée si je n’avais pas eu de travail en doublage dans ces moments-là, mais je ne me sens pas frustrée pour autant. Maintenant, la vie n’est pas finie… Comme je dis toujours, ce métier ressemble à celui du jardinier : vous semez, et au moment où vous ne vous y attendez pas, il y a quelquechose qui arrive ! Il n’y a pas de règles, sauf de bien maîtriser son métier. Il y a tellement de très bons comédiens qui ne travaillent pas que c’est miraculeux quand on fait partie de ceux qui travaillent.

Marie-Martine, c’est votre vrai nom ?

Non, c’est un pseudonyme que ma mère m’a trouvé quand j’étais toute petite, car j’ai un nom d’origine belge absolument imprononçable ! J’aurais pu changer pour quelque chose de plus original, mais les années ont passé et j’étais déjà connue dans le métier sous ce nom-là, alors je l’ai gardé !

Quel est le type de personnage qu’on vous confie généralement en doublage ?

Ce sont souvent des comédies. Quand on veut voir une petite brune pétillante, il est évident (enfin, j’espère) qu’on pense à moi. Mais on me confie aussi des rôles complètement différents. Grâce au doublage, j’ai abordé quasiment toutes sortes de rôles. Pour en venir au dessin animé, c’est encore plus formidable : comme j’ai les cordes vocales très souples et que je peux changer ma voix (ayant beaucoup chanté de music-hall), je peux doubler aussi bien des petites filles que des petits garçons, une maman ours ou une vieille sorcière.

Avez-vous déjà fait des rôles chantés ?

Non, parce que la règle est plutôt de confier les chansons à des chanteurs et on nous demande rarement de faire des essais. Il y a certainement aussi des questions de contrat, ou pour aller plus vite. La mise en place d’une chanson est un très gros travail, très pointu, même s’il m’arrive de pousser la chansonnette sur un petit truc en passant. Après tant d’années sans avoir travaillé ma voix, sans avoir répété sérieusement, en aucun cas je ne me permettrais de m’aligner avec les choristes qui sont là. Et puis, il faut bien que tout le monde travaille…

Quel est le doublage qui vous a le plus marquée ?

Je garde un grand souvenir des Muppets Babies. Doubler Peggy la cochonne en dessin animé, c’est fabuleux, et là, pour le coup, il faut de la santé et de l’inventivité ! Quand vous sortez de huit heures d’enregistrement avec ce personnage qui pète les plombs à longueur d’épisode, vous sortez lessivé, mais vous n’avez pas besoin d’aller chez le psychiatre, on a tout fait sur le plateau !

Sinon, dernièrement, j’ai été très heureuse de participer au doublage du film In the mood for love, le fameux film chinois qui a remporté le prix d’interprétation masculine à Cannes. Il n’était sorti qu’en VO, mais grâce à son succès, nous l’avons doublé pour Canal Plus et la future sortie DVD. J’avais le troisième rôle, celui de la logeuse.

N’est-ce pas difficile de doubler des films comme celui-ci, avec une langue si différente du français ?

Si, et j’avais très peur du résultat, tant le film était beau en VO. Il faut vraiment se sentir bien tenu, au niveau de la direction d’acteur. C’est difficile à expliquer. Heureusement, nous avions eu une projection avant l’enregistrement pour mieux en saisir l’ambiance et l’atmosphère qui s’en dégageait.

Est-ce courant de voir avant un film qu’on va doubler ?

Malheureusement, de moins en moins. C’est essentiellement pour des questions de temps et aussi d’argent . Ce n’est pas facile non plus de réunir des comédiens un même jour. Il arrive aussi, quand on a un rôle important, sur un téléfilm, qu’on nous envoie la cassette en anglais.

Quels souvenirs gardez-vous de séries comme Candy ?

De très bon souvenirs, car sur une série de dessin animé, on fonctionne en " équipe ". Pour un bon résultat, il faut vraiment qu’il y ait une osmose entre tout le monde, et c’était le cas. Il se crée alors une " famille ", des gens qu’on va retrouver régulièrement, parfois pendant plusieurs années.

Sur Candy, je garde aussi un souvenir émouvant de mon amie Marie FRANCEY, qui est décédée depuis, qui doublait la directrice de l’école. C’est elle qui faisait également la voix de E.T., et c’était une grande comédienne qui avait beaucoup travaillé au théâtre avec Sacha GUITRY.

Sur Princesse Sarah, de nombreux comédiens étaient alors très jeunes, ils débutaient seulement comme Barbara TISSIER ou Emmanuel GARIJO. Vous les avez vu évoluer dans le métier…

Le plus amusant, c’est que Barbara me dirige maintenant ! Mais cela ne me gêne absolument pas étant donné que j’ai moi-même suivi ce chemin, en commençant très jeune, sauf que je n’ai pas dirigé parce que, pour le moment, ce n’est pas quelquechose qui m’intéresse.

Selon vous, quelles qualités avaient-ils pour qu’ils soient encore là aujourd’hui ?

D’abord, ça leur plaisait. Le doublage, c’est quelquechose qu’on doit faire sans y être contraint. Ensuite, ce sont des gens qui sont hyper doués, qui ont un charisme énorme, et sur lesquels on peut compter (ponctualité, professionnalisme).

Quelle est votre actualité en doublage ?

Cette semaine, en dessin animé, je double des épisodes de Bob et Margaret, avec Patrick PREJEAN et Patricia LEGRAND. Je fais aussi le rôle principal sur Comited, une série canadienne inédite, et je continue Les Tweenies, pour les plus petits.

Quels sont vos loisirs ?

Je lis beaucoup, j’adore faire la cuisine, m’occuper de ma maison et des fleurs.

Merci beaucoup !

Interview réalisée par Olivier

*Toute ma gratitude à Sarah pour sa contribution ^^