Encyclopédie - Anime


Interview de Isabelle Ganz*

Extraite du mensuel ANIMELAND n° 69 de mars 2001

 

Isabelle, bonjour ! Nous allons vous poser la même question qu’aux autres comédiens : comment avez-vous débuté dans ce métier ?

Je pense que c’était dans ma nature : dès l’enfance, j’étais ce qu’on appelle un « pitre ». Plus tard, lorsque j’ai fait mes études au lycée de Sèvres, je me suis inscrite dans un club de théâtre et me suis rendue compte que cela me plaisait chaque jour davantage. De plus, j’avais la chance de faire partie d’une famille qui travaillait déjà dans le cinéma : mon père était producteur dans une « major » américaine. Et quand je lui ai fait part de mon intérêt pour ce métier, il m’a inscrite dans un cours, à l’âge de 16 ans. J’ai alors arrêté mes études et, très vite, j’ai commencé à travailler. Au début, j’ai fait du théâtre, puis les choses se sont extrêmement bien enchaînées avec des films et des rôles à la télévision.

Pendant toute cette période où tout allait bien, je ne me suis pas trop posé de questions. Mais ensuite, j’ai eu des déceptions, comme des contrats non honorés, des rôles qui ne se font pas… En fait, je venais de rentrer dans la réalité du métier et cela n’a pas été facile. Mais j’ai quand même continué à travailler, en gardant un peu plus la tête sur les épaules.

 Comment en êtes-vous venue au doublage ?

La première fois que j’en ai fait, c’était pour réaliser la post-synchro d’un rôle que j’avais joué dans un film de Pascal THOMAS, Pleure pas la bouche pleine (en 1973). J’ai alors commencé à faire du doublage, mais c’est venu de manière progressive. J’ai vraiment débuté vers 1977/78 avec une série qui s’intitulait Le riche et le pauvre, puis avec Candy, où je doublais l’une des sœurs du pensionnat.

 Aujourd’hui, quels sont les doublages que vous retenez?

Ce ne sont pas forcément des choses très connues ou très longues. Parfois, vous gardez un bon souvenir d’un petit rôle ou même d’un téléfilm sans importance. Par exemple, j’ai adoré doubler, il y a quelques années, un grand téléfilm en trois parties pour M6, intitulé Bangkok Hilton. Il racontait l’histoire d’une femme utilisée par un trafiquant pour passer de la drogue de Thaïlande en Angleterre. Elle se faisait arrêter et découvrait l’horreur des prisons thaïlandaises. C’était un travail passionnant reposant sur l’émotionnel et le physique. Il y a eu aussi Tracey Tales On, une série de shows de l’actrice Tracey ULLMAN, doublée pour la chaîne Comédie. Elle interprétait une quinzaine de personnage qu’elle avait créés, hommes, femmes, enfants, et chantait en changeant sa voix. Là encore, ce fut un travail vraiment passionnant.

 Et en dessin animé ?

Au début, j’ai eu plus de mal à doubler un dessin animé que des films, car j’avais besoin qu’on me donne quelque chose à l’image. J’en ai fait un très beau qui était Fievel et le Nouveau Monde. SOS Polluards était sympa aussi parce qu’on rigolait bien et la série n’était pas bête. J’aime également beaucoup Doug pour son animation et parce que c’est très intelligent. Pour moi, Doug, c’est le Woody ALLEN du dessin animé. Très honnêtement, et au risque de vous déplaire, je n’aime pas tellement les dessins animés japonais, justement parce que j’ai du mal à m’y retrouver.

 Parlez-nous tout de même des Cités d’Or, qui était justement une coproduction franco-japonaise…

C’est vrai, mais c’était assez différent des autres séries, et il y avait une partie de création française. D’abord, je garde un très bon souvenir de toute l’équipe de comédiens, et j’aimais la manière dont la série était construite avec une histoire un peu éducative. C’était aussi très agréable à doubler.

 Comment avez-vous été retenue ?

Sur essais, comme c’est presque toujours le cas pour un rôle important. Il arrive aussi qu’après les essais, on vous confie autre chose. Par exemple, sur Doug, j’avais été auditionnée pour le personnage de Patty Mayonnaise. Finalement, c’est Amélie MORIN qui a été retenue et on m’a confié Judy, la sœur de Doug. Je ne le regrette d’ailleurs pas car ce personnage me correspond mieux.

 Vous attribue-t-on un type de personnage particulier ?

L’étiquette varie suivant l’âge. Celle qui me colle à la peau maintenant et qui me plaît bien, ce sont les personnages un peu dingues, les folles projetées dans des situations extrêmes. Avant, je faisais plutôt des jeunes femmes gentillettes de 20-25 ans.

 Peut-on vous voir dans des films ou des téléfilms ?

Récemment, non, mais j’ai tourné il y a longtemps dans Dossier 51 de Michel DEVILLE ou encore Mon oncle d’Amérique d’Alain RESNAIS. J’ai aussi fait une douzaine de films ou séries pour la télévision. Après, peut-être ai-je été maladroite, trop inexpérimentée ou pas assez bonne, mais je n’ai jamais retravaillé avec ces gens-là. Je crois surtout que je manquais énormément de maturité. Il ne faut pas oublier que c’est un milieu de requins…

 En lisant votre CV, je vois que vous avez présenté sur Antenne 2 en 1978 une émission pour la jeunesse intitulée Isabelle et ses amis. Qu’était-ce donc ?

C’était avant Récré A2 et DOROTHEE. J’ai présenté cette émission tous les jours pendant un mois ou deux, puis mon temps d’antenne a été repris pour la campagne électorale du moment. J’ai souvenir que les enfants m’ont reconnue très vite dans la rue, mais je n’ai pas eu le temps de subir cette célébrité ! Le principe de l’émission était de me promener dans des dessins d’enfants tout en présentant des dessins animés (Casper le petit fantôme est le seul dont je me souvienne). J’écrivais aussi les textes avec le producteur.

 Que faites-vous actuellement ?

Je fais essentiellement du doublage. A une époque, j’ai fait beaucoup de radio, de ce qu’on appelle les « dramatiques radios ». Je fais du cirque : mise en scène, écriture de spectacles, et je suis également clown. J’ai travaillé longtemps pour le cirque Pauwels, et je continue à faire quelques galas de manière occasionnelle. C’est une autre facette du métier de comédien et ce genre d’activité m’apporte un peu d’oxygène en dehors du doublage.

 Vous avez écrit des spectacles, mais avez-vous écrit des pièces ou des scénarii ?

J’ai commencé, il y a longtemps, à écrire des chansons, puis des pièces, mais aucune n’a encore été jouée. Autant j’aime écrire, autant je suis beaucoup moins à l’aise dans les démarches pour vendre ce que je fais.

 Avez-vous déjà doublé des rôles chantés ?

J’ai eu l’occasion de faire des rôles chantés en théâtre ou pour des spectacles. En doublage, c’est différent. J’ai essayé, mais je ne pense pas être encore assez solide pour de grosses productions, où il faut parfaitement maîtriser la technique. Par exemple, j’avais passé des essais pour le rôle de Jasmine dans Aladdin, mais c’était vraiment très difficile. On ne s’improvise pas chanteur au doublage, cela s’apprend et se travaille. Je ne dis pas que je ne m’y essaierai pas de nouveau, mais dans d’autres conditions : sans compétition, en prenant le temps de travailler, etc. Pour moi, la chanson est quelque chose d’intime et il est nécessaire d’être bien à l’aise. 

Quelle est votre actualité de doublage ?

Depuis deux ans, je double surtout les Feux de l’Amour. Bon, c’est un autre registre, mais on essaye d’y apporter beaucoup plus que ce que l’on imagine.

 Avez-vous des enfants ? Que leur diriez-vous s’ils vous annonçaient qu’ils veulent faire ce métier ?

J’en ai deux, de 16 et 21 ans. Quel que soit le métier qu’ils veulent faire, je leur dirai qu’il faut d’abord que la passion soit forte. Et puis, si après ils se rendent compte que ce n’est pas satisfaisant, ce n’est pas grave, car on peut toujours changer. Il vaut mieux éviter les plans de carrière.

 Avez-vous des projets particuliers ?

Je résumerai en disant que j’ai des projets de vie liés à mon métier : être en harmonie aussi bien avec les gens avec lesquels je travaille, qu’avec ceux dont je partage la vie.

 Quels sont vos loisirs ?

J’aime beaucoup marcher et j’adore la musique. Vous savez, je suis quelqu’un de très bavard, mais aussi de très intériorisé. Je ne me sens pas non plus désirée par cette grande famille du spectacle, si bien que je ne vais jamais aux premières, aux cocktails, etc. Ma vie a été un peu comme une montagne russe, alors maintenant, je relativise et je donne de l’importance aux choses qui en méritent.

 Merci beaucoup ! 

Interview réalisée par Olivier et Pascal

*Toute ma gratitude à Sarah pour sa contribution ^^